Séance spéciale – La Bataille d’Alger – 2 films
de Gillo Pontecorvo à Malek Bensmaïl
En 1965, trois ans après l’indépendance algérienne, Gillo Pontecorvo entreprend le tournage de La bataille d’Alger. Le cinéaste italien reconstitue avec une précision documentaire la lutte entre les parachutistes du général Massu et les commandos FLN menés par Yacef Saâdi.
Pour certain, ce film est devenu un symbole du combat des peuples opprimés ; pour d’autres, il est un cours pratique sur les techniques de lutte anti-subversives. Au fil du temps, La Bataille d’Alger est autant un film d’histoire qu’un film qui a fait l’histoire.
En 2017, cinquante ans plus tard, Malek Bensmaïl opère un retour passionnant sur le film de Gillo Pontecorvo, avec son film La bataille d’Alger, un film dans l’histoire. A l’aide de nombreux archives et entretiens, Malek Bensmaïl retrace la fabrication du film et analyse sa féconde postérité. En réalisant un travail précis de ré-historisation et de démythification, le réalisateur explore comment ce film a nourri l’Histoire et comment l’Histoire l’a nourri.
Malek Bensmaïl se situe ainsi au cœur de son travail de documentariste qui « questionne le regard, tant celui que nous portons sur nous-mêmes en tant qu’Algériens que celui que le cinéma porte sur nous ».
avec brahim haggiag, jean martin, saadi yacef, samia kerbash, ugo paletti, fusia el kader scénario de franco solinas
Lion d’or au festival de Venise en 1966
Résumé
Octobre 1957, Alger, Ali-la-Pointe est pris dans une embuscade, encerclé par les parachutistes du colonel Mathieu. Retranché dans la Casbah, il se remémore le chemin parcouru depuis son enfance jusqu’à la tête de la résistance algérienne.
Novembre 1954, un message du Front de Libération Nationale lance la Bataille d’Alger, soutenu par la population algérienne, contre l’occupant français. Ali devient l’un des chefs de l’organisation, sous la direction de Ben M’Hidi, alors qu’arrivent les parachutistes salués par la population européenne. Le colonel Mathieu, mettant à profit une grève, pénètre dans la Casbah pour quadriller la ville et procéder à des arrestations.
L’escalade de la violence démarre. La victoire militaire de l’armée française, au prix de l’usage massif de la torture, constitue in fine une défaite politique.
à propos de
Initialement interdit en France, la première sortie du film sur les écrans français date de 1970 et s’accompagne de nombreuses menaces et pressions, allant jusqu’à des attentats perpétrés contre des salles de cinéma. La torture utilisée par l’armée française et montrée dans le film fut l’une des raisons de sa censure jusqu’en 2004, date à laquelle il est finalement montré au Festival de Cannes.
Le film est récompensé dans plusieurs festivals internationaux, dont le Lion d’or au festival de Venise en 1966 à la sortie du film, contre l’avis de la délégation française et du Centre National de la Cinématographie (CNC). Trois nominations aux Oscars (meilleur film étranger, meilleur réalisateur et meilleur scénario) n’y changent rien.
Ce n’est qu’en 1971 que le film obtient son visa d’exploitation en France. A la suite de pressions politiques et de menaces de bombes, il est très vite retiré des écrans.
Mais ce qui fait de « La Bataille d’Alger » un film à part, c’est aussi et surtout qu’il est l’objet de réappropriation contrastée. D’abord, quantité d’organisations révolutionnaires s’en emparent dans les années 60/70. Des Black Panthers à l’IRA, ils sont nombreux à vouloir prendre exemple sur le contenu insurrectionnel du film. Mais il est aussi utilisé à des fins anti-subversives, aussi bien par les dictatures d’Amérique latine dans les années 60 que par le Pentagone en invitant des unités d’armées du monde, ou alors au moment de la guerre d’Irak.
Grand Prix Festival Cinéma et Histoire, Taroudant
Prix Spécial du Jury, Festival du film Arabe d’Oran
Résumé
Réalisé en 1965, interdit en France jusqu’en 1971, « La Bataille d’Alger », de Gillo Pontecorvo, rafle en 1966 le Lion d’Or à Venise et devient mythique en Algérie, et programmé chaque année par la télévision pour la commémoration de l’indépendance. Il est coproduit par la société de Yacef Saadi, un des héros de la lutte de libération qui joue son propre rôle dans le film. Le tournage du film va servir de leurre pour faire entrer les chars de l’armée de Boumedienne dans la ville lors du coup d’État qui renverse le Président Ben Bella. En s’appuyant sur des témoignages et des archives exceptionnels, Malek Bensmaïl opère, soixante ans après, un retour passionnant sur ce film qui n’a cessé de s’enrichir avec l’Histoire..
à propos de
Comment vous est venue cette idée de film ?
Enfant, en Algérie, j’ai été bercé et j’ai baigné dans le film de Pontecorvo. Il était projeté chaque année, notamment le 1er novembre à l’occasion des célébrations du début de la guerre d’Algérie et de la révolution nationale. Nous regardions le film sur l’unique télévision que nous avions. Dans les cours de récréation, nous récitions les dialogues de La Bataille d’Alger que nous connaissions par cœur. Nous simulions les scènes de commandos, de parachutistes et de torture. La Bataille d’Alger a, de plus, influencé de manière décisive le cinéma algérien. Je pense même que le film a « enclenché » le cinéma algérien dans une certaine représentation de la Révolution.
Dès mes débuts en tant que cinéaste dans les années 1990, je me suis documenté sur cette période. J’estime important de revenir sur le film de Pontecorvo et sa réception. On peut dire en effet que « La Bataille d’Alger » résonne encore aujourd’hui en Algérie. La société algérienne hésite entre diverses orientations : celles liés à l’occident, celles liées à l’orient ou celles liées spécifiquement à l’algérianité. La langue, la religion et d’autres facteurs sociaux, politiques, et culturels sont à l’œuvre et déterminent ces possibles orientations.
Quelle préoccupation principale vous a guidé pendant le tournage ?
Avec ce film, j’ai voulu explorer la complexité de la question algérienne ; questionner le regard, tant celui que nous portons sur nous-mêmes en tant qu’Algériens que celui que le cinéma porte sur nous. J’ai cherché à comprendre comment nous nous sommes construits aussi une représentation à travers le regard des autres. Le combat pour la liberté et pour la libération nationale, qui est au cœur de La Bataille d’Alger, est important. Mais le risque existe, selon le regard que l’on porte sur l’événement et sur l’œuvre de Pontecorvo – de nous enfermer collectivement dans la guerre d’Algérie, dans une conception « muséale » de cette guerre et de notre identité. La réalité est complexe et il faut se méfier des raisonnements réducteurs, par exemple lorsqu’on oppose stérilement l’Islam moderne à l’Islam des Lumières ou que l’on souhaite s’évader du présent pour revenir à un Age d’or mythique, à un soi-disant meilleur « moment » de notre histoire. Il faut réfléchir aux questions dans leur contemporanéité.
(Extrait des propos recueillis par Emmanuel Deonna – Publié le 24 janvier 2019, sur le site gauchebdo.ch )
Bio
Né à Constantine (Algérie) en 1966. Très jeune, Malek Bensmaïl tourne des films en super 8 et reçoit le premier prix national du film amateur en Algérie. Après des études de cinéma à Paris suivi d’une formation en Russie, dans les studios Lenfilm à Saint-Pétersbourg, en pleine pérestroïka alors que l’Algérie s’enfonce dans le drame de la décennie noire.
Tous ses films sont liés à l’histoire de son pays. Son style cinématographique dessine les contours complexes et sensibles de l’humanité. Pour le réalisateur, le cinéma est avant tout un moyen au service de la condition de l’être humain. Applaudis par la critique, ses films ont reçu des prix dans de nombreux festivals autour du monde.
Nommé en 2020, membre de l’Académie des Oscars.
Laureat de la Villa Kujoyama, Kyoto (Villa Médicis Asie 2009).
Filmo
2025, Meursault contre-enquête (Goncourt du premier roman 2015).
En cours de post-production du long-métrage de fiction, adaptation du roman de Kamel Daoud
2021, Toute l’Algérie du monde (54’)
2017, la bataille d’Alger, un film dans l’histoire (120’)
2015, Contre-pouvoirs
2012, Ulysse, le bruleur de frontières et la mer blanche du milieu
2012, de l’Algérie française à l’Algérie algérienne
2011, La Chine est encore loin (120’)
2010, Guerres secrètes du FLN en France (70’)
2004, Le grand jeu (90’)
2003, Aliénations (1h45)
2002, Algérie(s)
2001, Plaisirs d’eau ou les bains de ce monde flottant (76’)
2002, Dêmokratia (18’)
2001, Des vacances malgré tout (70’)
1998, Decibled (52’)
1999, Boudiaf, un espoir assassiné
1994, Territoire(s)