Primé au festival cinéma du réel, Beaubourg 2004
Grand prix long-métrage documentaire – 7è biennale de l’Institut du Monde Arabe
Résumé
La société algérienne a été profondément bouleversée durant le dernier siècle. En s’attachant à suivre, au quotidien, médecins et malades à l’hôpital psychiatrique de Constantine, Aliénations est une façon de prendre le pouls de cette société, de comprendre les souffrances que peuvent vivre les Algériens confrontés à une crise aux aspects multiples : religieux, politiques, économiques, familiaux. Le film s’efforce de cerner le malaise social dominant en Algérie.
L’auteur dédie ce film à son père, Belkacem Bensmaïl, professeur de psychatrie, l’un des fondateurs de la psychiatrie algérienne.
à propos de
Aliénations est-il né d’un sentiment d’urgence et de nécessité ?
Le projet s’inscrit dans une logique d’introspection que je poursuis depuis quelques années sur la société algérienne. Il est nécessaire de s’interroger sur l’Algérie contemporaine. J’ai besoin de savoir, de comprendre. Hélas il y a aussi eu un sentiment d’urgence car je voulais tourner ce film en présence de mon père avant son décès. Aliénations est plus que jamais un film personnel car il s’agit avant tout d’un hommage que je rends à mon père qui fut l’un des fondateurs de la psychiatrie algérienne et qui a consacré sa vie à soigner les malades et à former les jeunes psychiatres. D’autre part, je me suis rendu compte que le thème de la psychiatrie est resté totalement absent du cinéma dans le monde arabe. Pour les psychiatres comme pour moi, l’aliéné s’avère à la fois première victime du mal d’un pays et probablement son plus inquiétant indice.
Bien que le film prenne la forme d’un état des lieux (avec dès son origine la certitude de ce que vous y trouveriez), il semble aussi fonctionner comme une enquête, la réalité y apparaissant par couches successives : la part de découverte, de surprise et de stupéfaction l’a-t-elle emportée sur le projet initial ?
Dans mon écriture, il y a d’abord une introspection de la nature humaine et du politique. Les deux sont intimement liés. Puis je cherche le « frottement » ou « le grain de sable » qui viendra « gripper la mécanique ». Dans ALIENATIONS, les grains de sable sont mes héros/patients. J’aime confronter l’Algérie avec son autre, jouer avec le réel -avec humour ou gravité- des clichés et des représentations. Autour de mes thèmes et des personnages choisis, je tourne toujours plus d’images qu’il n’en faut, par cercles concentriques, du macro au micro en confrontant la tradition et la modernité, le religieux et le politique. En montage, je questionne ce qui est filmé, je confronte l’image tournée et le réel ressenti. En filmant l’interactivité entre soignants et malades au sein de l’hôpital psychiatrique de Constantine, le film révèle peu à peu (je crois et je l’espère) le mal profond qui ronge le pays et illustre la souffrance mentale tel le miroir d’une société avec ces incertitudes identitaires. Le film est passé d’une introspection « ethno-psychiatrique » à une révélation sociale et politique. Finalement, ce film n’est pas une étude psychopathologique mais une évocation de la vie à travers celle de ses malades et de leur vision de la société algérienne.
(Extrait des propos recueillis par Vincent Malausa)
Bio
Né à Constantine (Algérie) en 1966. Très jeune, Malek Bensmaïl tourne des films en super 8 et reçoit le premier prix national du film amateur en Algérie. Après des études de cinéma à Paris suivi d’une formation en Russie, dans les studios Lenfilm à Saint-Pétersbourg, en pleine pérestroïka alors que l’Algérie s’enfonce dans le drame de la décennie noire.
Tous ses films sont liés à l’histoire de son pays. Son style cinématographique dessine les contours complexes et sensibles de l’humanité. Pour le réalisateur, le cinéma est avant tout un moyen au service de la condition de l’être humain. Applaudis par la critique, ses films ont reçu des prix dans de nombreux festivals autour du monde.
Nommé en 2020, membre de l’Académie des Oscars.
Laureat de la Villa Kujoyama, Kyoto (Villa Médicis Asie 2009).
Filmo
2025, Meursault contre-enquête (Goncourt du premier roman 2015).
En cours de post-production du long-métrage de fiction, adaptation du roman de Kamel Daoud
2021, Toute l’Algérie du monde (54’)
2017, la bataille d’Alger, un film dans l’histoire (120’)
2015, Contre-pouvoirs
2012, Ulysse, le bruleur de frontières et la mer blanche du milieu
2012, de l’Algérie française à l’Algérie algérienne
2011, La Chine est encore loin (120’)
2010, Guerres secrètes du FLN en France (70’)
2004, Le grand jeu (90’)
2003, Aliénations (1h45)
2002, Algérie(s)
2001, Plaisirs d’eau ou les bains de ce monde flottant (76’)
2002, Dêmokratia (18’)
2001, Des vacances malgré tout (70’)
1998, Decibled (52’)
1999, Boudiaf, un espoir assassiné
1994, Territoire(s)